Scènes de Padoue 2018
Scènes de Padoue. Question(s) d’espaces.
Giotto, les fresques de la chapelle Scrovegni à Padoue
Lorsque Giotto arrive à Padoue pour y créer un nouvel ensemble de fresques, il est âgé d’une quarantaine d’années et a déjà peint (vers 1290) les 28 fresques du cycle d’Assise évoquant la vie de Saint François. On suppose que Giotto travaille dans la chapelle dite « de l’Arena » entre 1303 et 1306, période pendant laquelle sont réalisées les 53 fresques qui composent cet ensemble constitué essentiellement de scènes de la vie de Joachim de la vie de la Vierge et de la vie du Christ.
Concernant ces envoûtantes peintures l’on pourrait, bien sûr, parler longuement de la qualité du dessin, de la douceur du modelé, d’une richesse chromatique nouvelle, ou bien disserter sur la profondeur des expressions des modèles qui les composent, mais une fois encore, par mon travail, ce sont les qualités exceptionnelles et nouvelles du traitement de l’espace que j’ai souhaité questionner. L’artiste les obtient grâce à des compositions inédites, une mise en place des personnages réfléchie et orchestrée, une implication très singulière de ces acteurs dans les architectures et les lieux fantaisistes représentés, une importance donnée aux objets qui les environnent… Le tout contribuant à la théâtralisation de chacune des scènes.
Pour rendre compte de ces inventions plastiques j’ai choisi de repeindre 32 fresques de ce cycle. Pour chaque relecture je me suis appliqué à conserver du modèle l’échelle, la composition, la place précise de tous les protagonistes de chacune des scènes et respecter globalement leur contraste chromatique. Je me suis pourtant autorisé à penser la peinture en contraste inversé (les nuances sombres sont devenues claires et inversement) accentuant ainsi la présence des architectures et par contraste rendant plus discrète la présence des personnes. J’ai brouillé la profondeur en insérant entre le proche et le lointain des badigeons de poudre de métaux qui réapparaissent par endroits mêlés aux espaces peints. J’ai réduit le dessin à ses lignes de force pour témoigner de sa nouveauté et de son efficacité. Considérant qu’elles faisaient maintenant partie de la peinture j’ai augmenté les marques laissées par l’usure du temps. J’ai joué de la disparition, du mystère, de ce qui est tu, du vide, du peu, de l’absence, du presque plus… puis, ailleurs, au contraire de l’exagéré, de l’affirmé, de la dissonance, du paradoxal en espérant ainsi conserver un peu de cette langue giottesque aux accents nouveaux et précurseurs de la Renaissance.
Philippe Guesdon sept 2018
Scènes de Padoue de Philippe Guesdon :
Ensemble de 32 peintures. Acrylique et poudre de métaux sur lin fripé de 115×115 cm