Paysages, arbres et figures…2018-2021

Empruntés aux Xylographies d’Albrecht Dürer ces peintures sur papier et sur toile de lin ont été réalisées entre 2018 et 2021.

Je ne suis pas parvenu à penser que j’en ai terminé d’apprendre à l’observation des gravures du maître de Nuremberg. Chaque étude nouvelle de l’oeuvre m’apporte une compréhension, chaque fois plus intense, de ses rapports à l’humanité.

Les Arbres de Dürer, 2018

Arbres moyens formats sur papier :

Les arbres de Dürer.

Aucun arbre n’est à l’image d’un autre. Aucun arbre de Dürer ne ressemble à un arbre dessiné, gravé ou peint par un autre que lui. Il y a, dans la façon dont cet artiste a choisi de représenter chaque torsion de tronc, un rapport au corps humain, non seulement avéré mais plastiquement affirmé. Avec l’aisance du convaincu, décomplexé et assuré, il use de la métaphore sans retenue. Ses arbres sont donc des torses, des bustes, des poitrails, des thorax, et quelque fois des membres. Ils vibrent ensemble, se côtoient, se frôlent, se caressent. Les arbres de Dürer sont les séquences d’une chorégraphie savante que l’on pourrait penser extraite d’un ballet antique. Chaque contorsion de corps simule un sentiment dont l’arbre qui la dessine et la préserve, lui assure une pérennité certaine.

Ces arbres résonnent, tremblent et chantent. Les forêts de Dürer sont des partitions écrites pour conserver et entretenir la mémoire de danses ancestrales. Dans elles, l’homme se confond jusqu’à se dissoudre. La forêt, le groupe, la masse, comme la plus complexe des scènes d’un Brueghel, raconte pourtant la fête des hommes : leurs peines, leurs jeux, leurs intrigues et leurs joies. L’ensemble nous murmure cette bien douce histoire du monde. Quelquefois, ces arbres par leurs branches se tiennent par la taille et le cou. Jamais alors, treillis de bois ne fut si dense et si compact ; il y a dans la cohésion de l’ensemble une fusion, un alliage, une étreinte d’une bienveillance bouleversante. La branche de l’arbre raconte. Chaque branche de chaque arbre a le geste raffiné du noble, l’allure assurée de l’homme de la terre ou la caresse cruelle du bourgeois accommodant. Elles portent chacune la cicatrice de leur condition sociale…

Ces branches décident parfois, à la tombée du jour, de laisser filtrer la lumière d’un bas soleil lourd. Cet éclat les enrobe, alors, de petites perles argentées. Les branches sont devenues des bras de chandelier. En cet instant rare, elles vacillent en picorant le vent pour que chacune de leurs feuilles, animée par le souffle du soir, chante à l’oreille du ciel la complainte de la vie humaine, du destin de l’humain, des tracas de l’existence. Chez Dürer l’histoire de l’humanité n’a pas fini d’être contée.

Philippe Guesdon, mars 2018

Arbres grands formats sur papier :